Grayson Perry "Vanité, Identité, Sexualité"

lea
27 janv. 2019
4 min de lecture

La devise d'un artiste hors norme

Artiste britannique travesti, vision unique des questions de genre, d'actualité et des relations entre les sexes, œuvres mêlant sculptures, céramiques et tapisseries hautes en couleurs. A la question: "êtes-vous un artiste sérieux ou un personnage futile?", Grayson Perry n'hésite pas à répondre "les deux". Cette personnalité qui bouscule les codes de l'art et les fondements de notre société propose une exposition impertinente et provocante à la Monnaie de Paris pour la première fois en France.

Who is Grayson Perry?

Grayson Perry est né le 24 Mars 1960 à Chelmsford, en Essex, au Royaume-Uni. Suite au départ de son père et à l'éducation d'un beau-père brutal et d'une mère lunatique, le jeune garçon projette son idéal du modèle masculin sur son plus fidèle compagnon, Alan Measles, un ours en peluche, star de plusieurs de ses travaux.

Il commence à se travestir à l'âge de douze ans en son alter-ego, Claire, et remet déjà en cause le système selon lequel chacun doit se conformer et rentrer dans une case pour être accepté.

Il étudie l'art à l'Université de Portsmouth et s'intéresse rapidement à la céramique, matériau très peu considéré par le monde de l’art contemporain dans les années 1980. Dessus, il peint, écrit, transfert ses remarques et critiques teintées d'ironie sur la société anglaise qui prennent autant en compte son admiration pour le mode de vie british que son engagement politique.

Il apprécie aussi l'utilisation de la tapisserie "symbole traditionnel de la réussite sociale des riches" pour transmettre ses valeurs et messages.

En 2003, il est le premier céramiste à recevoir le Turner Prize qui récompense chaque année un artiste contemporain. En 2013, il est nommé "Commandant of the Order of the British Empire" pour ses créations et sa participation à l'évolution de la société.

Aujourd'hui âgé de 58 ans, Grayson Perry est marié et père d'une fille qui ne sont que rarement évoquées durant le parcours de l'exposition.

Les œuvres de Grayson Perry

Comme évoqué précédemment, l'artiste s'est tourné vers les vases en céramique, les sculptures en bronze et les tapisseries pour donner vie à ses travaux. Ses œuvres abordent plusieurs thèmes de la perception des rôles masculins et féminins aux violences domestiques et au sadomasochisme en passant par la société de consommation. Les images sont crues et témoignent d'une volonté de Perry de bousculer le visiteur sur sa propre vision du monde. A travers ses créations, on retrouve des références historiques, contemporaines et autobiographiques ainsi qu'une inspiration certaine des pays asiatiques et de leur culture. Ces réalisations sont complétées par une présentation des tenues portées par Grayson Perry sous le visage de Claire lors de différentes événements marquants tels que son coming-out en 2000 ainsi que la découverte de la "papamobile", moto au look féminisé fabriquée sur mesure et dédiée à Alan Measles.

Mon avis sur l'exposition

Fan d'art contemporain, j'étais impatiente de me rendre à cette exposition dont le titre m'avait intriguée et interpellée. Je n'ai pas été déçu! J'ai découvert un artiste passionnant, à la personnalité loufoque mais pourtant conscient des problèmes de notre temps. Si je suis admirative de son parcours, je garde quand même une certaine réserve.

J'ai été particulièrement sensible aux matériaux utilisés, peu habituée à voir ce type d'outils mais convaincue par l'usage fait par Grayson Perry. J'ai apprécié sa vision réaliste du monde retranscrite dans ses œuvres ainsi que ses réflexions sur la mobilité sociale, une vision vraie et juste qui ne cherche pas à camoufler la vérité et qui s'insère parfaitement dans la société actuelle.

Mais, il faut bien qu'il y en ait un, j'ai malheureusement ressentie que, du fait de son enfance tourmentée suite à laquelle il s'est construit un monde fantaisiste dont il est le propre héros, certaines de ses créations révélaient un égocentrisme probant. Une phrase tirée du guide comportant des commentaires de l'artiste m'a mise la puce à l'oreille lorsqu'il explique "S'il est vrai que n'importe qui peut faire de l'art, ceux qui y arrivent très bien ne sont pas nombreux" car l'art étant une chose subjective chacun possède une idée différente de la réussite. De plus, à travers sa volonté de marquer les esprits, l'artiste pousse parfois le vice un peu loin et le message disparaît derrière des images trop "trash" qui ne permettent pas une bonne compréhension de l'oeuvre et de son objectif.

Panel de mes œuvres favorites

Selfie with Political Causes (2018) est probablement mon oeuvre préférée de l'exposition. Pourquoi? Parce qu'elle associe l'univers coloré de l'artiste et une critique du monde contemporain, illustration parfaite de l'engagement politique de Grayson Perry. La gravure aborde un grand nombre de problématiques actuelles telles que le réchauffement climatique, le sexisme et le racisme, la religion et la globalisation tout en faisant triompher une allégorie de la paix chevauchant une moto décorée d'idéaux positifs.

Animal Spirit (2016) m'a aussi énormément fait réfléchir puisque Grayson Perry explique que l'expression "esprit animal" a souvent été utilisée à la suite du krach financier de 2008. C'était une façon de nier la responsabilité des hommes dans l'effondrement de l'économie et, avec elle, de la société. Pourtant, cette oeuvre rappelle que les animaux concentrent les valeurs - rationnels, justes, sensibles - qui devraient composer chaque être humain.

Vote Alan Measles for God (2007) est une autre création made in Perry particulièrement inspirante puisque son ours en peluche, incarnation des valeurs positives chères à l'artiste, en est la vedette. Peut-être même plus politique que Selfie with Political Causes, les nombreuses références au Pentagone, à Oussama ben Laden ou aux tours jumelles aboutissent à l'idée générale d'une "guerre contre le terrorisme". Cette représentation symbolise parfaitement l'objectif de Grayson Perry: provoquer pour mieux faire réagir.

Comfort Blanket (2014) est une sorte de patchwork des symboles et emblèmes de l'Angleterre, des références historiques et culturelles témoignant de la fierté de Grayson Perry envers son pays, synonyme de stabilité et de sécurité depuis des dizaines d'années. Une multitude d'informations qui nécessiteraient des heures de contemplation et d'observation pour en saisir tous les sens.

Our Father (2007) et Our Mother (2009) sont deux œuvres faisant référence au pèlerinage universel, à la construction de notre propre identité tout au long du chemin de la vie. A la fin de ce chemin, chaque personne possède des bagages, des connaissances et des opinions qu'elle transmet aux générations suivantes qui décident de les conserver ou non. Selon Grayson Perrry, Our Mother participe aussi au débat sur l'immigration, les conditions de voyage des réfugiés et les souffrances qu'ils endurent, en témoigne l'enfant mort porté par la femme.